Je ne suis guère patient, et malgré que Imladris ait perdu depuis longtemps son calme d'antan, de cette époque lointaine ou cette cité fut un refuge pour tous ceux qui recherchaient la paix, je ne parviens guère a rester en place, tentant de m'occuper l'esprit a autre chose qu'a penser que mon frère n'ait pas hésité longtemps a prendre la route lorsque ces orcs furent repérés près de nos frontières, accompagné d'une poignée des nôtres, me forçant a rester a l'intérieur de la cité a attendre le retour du messager étant parti vers l'est et Thranduil depuis près d'une dizaine déjà.
Cependant, je peste et je râle contre mon double, autant qu'il peste et râle contre moi, assurément, depuis plus de trois mille ans, mais il reste l'elfe dans lequel je placerai le plus solidement ma confiance, et le dernier membre de ma famille proche a demeurer a mes cotés en Terre du Milieu. Autant dire qu'il en faudrait assurément beaucoup plus pour que je lui en tienne rigueur.
A vrai dire, une autre partie de ma famille demeure en Terre du Milieu. Cependant, je ne suis guère certain que Estel et Arwen eurent approuvé les choix diplomatiques de leur fils, mon neveu, soit dit en passant, si ils avaient encore été de ce monde. C'est une partie de la famille que, a défaut de totalement renier, je préfère mettre sous silence, en espérant que Eldarion puisse un jour écouter la sagesse de ses ancêtres elfiques et décider de remettre ces orcs a la place qui est la leur : de la chair carbonisée dans un bucher flambant.
N'y tenant finalement plus, je décide d'aller chercher ma monture afin de rejoindre Elladan et nos pairs, songeant qu'il serait tout de même bien ma veine que le messager profite de notre absence commune, qui ne devrait pas s'éterniser plusieurs heures, pour revenir dans la cité. Sur la route menant aux écuries, je croise nombre d'elfes n'hésitant aucunement a me saluer, ce qui peut paraitre sympathique au début, mais devient rapidement insupportable passé le vingt-cinquième. Certes, j'ai pour père le Seigneur Elrond, et je commande cette cité sous les ordres de Thranduil - avec Elladan, ne l'oublions pas. Cependant, je n'aime guère a me sentir supérieur a mes hommes, étant d'ailleurs plus jeune que certains d'entre eux. De plus, nous parlons d'elfes, et non pas d'humains, et ce n'est pas l'insubordination qui caractérise notre race - même Elladan et moi, dans nos folles années et malgré nos quatre cents coups, connaissions les limites a ne pas franchir, bien qu'il nous soit arrivé, a nos dépens, de le faire -, je ne considère donc pas nécessaire d'être de ces capitaines se tenant au dessus du lot, et ne le souhaite d'ailleurs pas. Tant que nos hommes savent de qui suivre les ordres en bataille, que demander de plus?
Parvenant finalement aux écuries, j'en sors ma monture, rapidement sellée de gestes experts et connaisseurs, avant de monter sur son dos, la faisant tourner sur elle-même en un demi tour, a demi debout sur ses postérieurs, afin de jeter un dernier regard sur les hauteurs de la cité, m'assurant que je puisse bel et bien partir sans que l'on ne me court après pour une raison ou une autre - malgré mon empressement a désirer abimer de l'orc en compagnie de Elladan, mes devoirs passent avant toute chose.